parution le 03/10/2024
ISBN 978-2-490364-42-8
53 pages
12 euros

A Vincennes et ailleurs
dimanche 13 Février 2022, par
(peindre la pyramide les jours de fermeture)
Qu’écrire ces temps-ci dans le journal d’écriture ? Sans doute pas mal de choses, les interventions au Louvre pour le Grand tour, une demi-journée passée à la BNF à entendre parler de littérature numérique, tout cela fait du bien et pourrait être raconté. Je sens un frémissement, les projets et les propositions reprennent, quelque chose de vivant revient.
Cependant, les émotions qui me traversent ont davantage leur place dans mon carnet rouge que dans cet espace, depuis deux semaines. Pour lier cela, je vais plutôt faire un pas de côté.
Qu’on s’imagine plutôt à Vincennes dans les années 80, rue de Paris vers le métro Bérault. Il y a là le lycée Hector Berlioz, de type "Pailleron", dont l’entrée est située derrière ; une rue sur la gauche, qu’on emprunte pour s’y rendre ; la bouche du métro, donc, et plusieurs commerces : le tabac, qu’on boycotte parce que le patron est raciste ; en face une crêperie où aller les jours fastes (souvenir de mon amie Laure y déjeunant avec une copine qui rêve de devenir actrice et le deviendra) ; de l’autre côté, un café, L’Annexe ; et face à L’Annexe, bouclant ce quadrilatère du carrefour, Le Cerf, second QG des lycéens.
Il m’est arrivée deux fois de rester amie avec des serveurs de bars que je fréquentais quand j’étais lycéenne ou étudiante. Le premier de ces serveurs s’appelait Guy. Il était espagnol d’origine, portait une belle moustache et nous aimait bien, nous les ados qui demandions juste un café et déjeunions en douce, en salle, avec les sandwichs apportés dans le sac. Guy a pris sa retraite depuis longtemps déjà, je ne sais pas ce qu’il est devenu.
Ce qui m’a été rappelé, par contre, ces jours-ci, c’est que Guy était également l’ami de Marcel, qu’à l’époque je ne connaissais pas, Marcel qui vivait à côté, rue de Paris, avait l’âge d’être mon grand-père et prenait son café au Cerf, lui aussi.
Ce qu’aimait Marcel, c’était prendre son café en lisant Libération, manger un ou plusieurs croissants (je sais pas au juste) et échanger, lui aussi, deux mots avec Guy, le chaleureux et virevoltant serveur. Nous sommes-nous retrouvés, une fois ou plusieurs, tous les deux en salle, chacun devant son café ? C’est possible. On ne le saura jamais. Nous n’en avons jamais parlé. Marcel était lui-même un être chaleureux, très cultivé, intéressé par mille choses dont la littérature et la danse contemporaine. Il ne pourra pas lire cette petite annonce de Libé parue vendredi, le jour de son enterrement. Mais je me dis qu’au Cerf, à Vincennes, ce café brasserie qui existe toujours même s’il a été complètement refait, quelque chose reste encore de nos matinées au soleil, à tourner les pages, regarder dehors.
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