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Cap

dimanche 16 Juin 2024, par Anne Savelli

(La poète Maud Thiria accompagnée par le contrebassiste Gaël Ascal à la Maison de la poésie, à Paris)

Cette photo date de samedi dernier, jour où je me suis rendue à la Maison de la poésie écouter Maud Thiria lire Des Errantes, son nouveau recueil, tout juste paru chez Lanskine. À lire ou écouter le texte (ce qui ne procède pas exactement de la même expérience), on y devine, croise, rencontre des femmes âgées, seules, très seules, parfois immobiles, délirantes, souvent emmurées dans ce qui leur échappe, leur manque, les empêche de communiquer. Ce livre est le fruit d’une résidence que Maud Thiria a menée durant dix mois dans un hôpital d’Ile-de-France. Je sais qu’elle anime également des ateliers d’écriture en prison, à Fleury-Mérogis.

Ce samedi, avant d’aller l’écouter, je me faisais la réflexion suivante : aucune, ou presque, des professions de foi que j’avais sous les yeux (reçues dans ma boîte pour les élections européennes), ne mentionnait la culture dans son programme. Aucune, en dehors, très vaguement, de celle du PCF. C’était frappant. Le mot lui-même n’existait pas.

Ce samedi soir, à la Maison de la poésie, ce n’est pourtant pas la culture qui compte, mais la langue, ce qu’elle dit, ce qu’elle qu’elle permet d’entendre. C’est l’écoute fine entre deux artistes. Ce sont ces errantes qu’on se met à imaginer, dont une se fait appeler "n’importe". C’est "n’importe" qui existe, entre nous et la scène, grâce à l’attention que Maud lui a portée.

Je me dis, en écrivant ces mots, que je ne suis pas venue, ce soir-là, pour "me cultiver", pour avoir l’air cultivée — écouter d’une oreille distraite, regarder qui se trouve dans la salle... Je suis venue pour assister à quelque chose de neuf. Sentir, l’espace d’une heure, l’art et l’humanité coexister, naître l’un de l’autre. Que le mot de culture porte en soi des ressorts complexes et qu’on puisse s’en méfier, c’est une chose. Que certains posent la main, selon l’expression, sur leurs revolvers en est une autre.

Le dimanche, politiquement tout bascule, on le sait, et tout se précipite. En début de semaine, je ne trouve rien de mieux à faire que d’enregistrer l’intégralité de Cap au pire, de Samuel Beckett, pour des raisons obscures (résister, écrire, faire quelque chose que d’autres diraient inutile, qui me semble, à moi, primordial, sans que j’aie les mots pour le dire) (et donc : justement, choisir ce texte-là). Lire Cap au pire à voix haute, en se lançant direct dans le vide (ou dans le "tout sauf le vide" du texte). Puis aller défiler en fin de semaine, puis se rendre à la nuit remue (où retrouver Maud Thiria). Entre temps écrire, continuer à écrire.
Voici cet enregistrement :

Galerie

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