parution le 03/10/2024
ISBN 978-2-490364-42-8
53 pages
12 euros

Le dépaysement
dimanche 29 Août 2021, par
Partir pour Copenhague, visiter la ville, prendre un train sur un pont qui relie le Danemark à la Suède et y passer l’après-midi, tourner la tête pour voir des deux côtés la mer, entendre des langues inconnues ce serait ça, bien sûr, le dépaysement.
Dire son désir, s’accorder la possibilité du voyage, ne pas se restreindre malgré les perspectives d’avenir bloquées pour le moment. Affirmer : je choisis les canaux, les maisons colorées, la fraîcheur d’un pays du Nord. Une brèche s’ouvre : je m’y engouffre. Je n’attends pas les hypothétiques jours meilleurs.
(Malmö, en Suède)
Musées, jardins, je prends ce qui vient, j’oublie les réponses qui tardent. J’attrape, je cueille, je marche, je regarde, j’écoute ce que dit le corps et s’il n’est pas en phase je cherche à comprendre sans forcer.
(au passage, la maison où est né Hans Christian Andersen, à Copenhague)
Le dépaysement, ce fut tout ça, et davantage : par décret du gouvernement le lendemain de mon arrivée au Danemark, ce fut la tombée du masque, littéralement, en intérieur et au dehors. Plus de masque dans les transports, plus de masque au musée ni nulle part ailleurs. Du gel partout, les marques au sol de la distance sociale et le passe sanitaire exigé dans les restaurants mais nul visage masqué. Aucune main dans la poche, dans le sac, à chercher l’accessoire. Plus besoin d’y penser.
(Vilhelm Hammershøi, portrait de la sœur du peintre vue de dos)
Les premiers jours, on se sent tiré par l’arrière vers le monde d’avant, comme si le déplacement dans l’espace s’était doublé d’un déplacement dans le temps. On n’ose imaginer que ce présent du Danemark préfigure l’avenir de son propre pays tant l’impression qui domine en France — et partout ailleurs, selon ce qu’on en sait — est que jamais ça ne finira, le Covid mutant.
Voici d’ailleurs ce que j’en pensais à Marseille, de ce présent figé, lorsque j’ai écrit pour la revue de la Marelle :
Ensuite, on respire. Parcs, jardin botanique, salles d’exposition, boutiques de musée, train, bus, métro, quais, canaux, bateau-bus, on respire d’autant mieux qu’à Copenhague comme à Malmö se déroule la WorldPride et qu’il est indiqué "You’re included" à l’entrée du Fluid festival. Depuis le début, il me semble que dans les rues il y a beaucoup plus de femmes qu’en France, qu’elles sont nettement plus visibles. Il me semble aussi que les cyclistes sont plus courtois, les enfants mieux pris en considération, les gens plus calmes dans cette ville moins dense que la mienne où le ciel s’élargit.
(le revers de la médaille, ce sont les caméras partout, il ne faut pas le nier)
À la gare de Malmö, en station souterraine, pas de panneaux publicitaires mais des écrans qui ouvrent sur le film continu de nouveaux paysages (j’ai cru reconnaître les rives du Gange).
À Louisiana, qui est un lieu hautement aimé de mes amis d’écriture, je m’en rendrais compte plus tard, une des quatre expositions a la mère pour sujet. On y voit cette installation liée à Marcel Proust, dont je note vite quelques éléments :
Accueillie dans le texte (sans rien écrire, mais c’est une autre histoire), face à la beauté durant toute une semaine, celle des arts islamiques à la David Collection, de la serre du jardin botanique, des tableaux d’Hammershøi dont je rends compte à un ami lointain, je savoure ce présent dont la densité m’émerveille.
Un message, un commentaire ?
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.