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Mot voisin

dimanche 2 Mai 2021, par Anne Savelli

Retour à Marseille cette semaine pour écrire Bruits, que j’ai eu bien du mal à faire progresser entre deux périodes de résidence. Les dernières fois, l’appartement de centre-ville était très silencieux. Cette fois, ce sont des coups de masse que je commence par entendre : le voisin de palier, nouvellement propriétaire, perce, puis abat des cloisons. Les travaux dureront jusqu’à la fin de mai, est-il indiqué dans l’entrée. Avais-je besoin que le réel me donne de la matière ? Réponse indiscutable : non. Je parle un peu avec le proprio démolisseur (très sympa), il me donne son planning (cloisons abattues, gravas à enlever). Le lendemain, je constate qu’il prend du retard, me repère à l’oreille, cherche à me rassurer avant de sortir mon casque.

Écrire Bruits, est-ce possible dans le bruit ? S’il s’agit de coups de marteau, de vibrations : non. Lire non plus, rien à faire. Si le son est plus diffus, avec le casque, peut-être ? Il faut essayer. Après une matinée à tourner comme un lion en cage (il pleut des cordes, impossible d’aller au parc ni en bibliothèque où il est de toute façon interdit de s’assoir, voir ci-dessous), la situation s’assouplit, les cloisons sont tombées et je trouve une solution : écrire le texte que je dois rendre à la revue de la Marelle, La Première chose que je peux vous dire. Après tout, il faudra bien le faire et j’ai déjà le début, lu à Radio Grenouille, ainsi que le thème : Au pied du mur. Qu’est-ce que je vais raconter ? Eh bien tout cela, mais autrement, et autre chose. Casque sur les oreilles pour ne surtout pas savoir à quelle étape en est le voisin, ne rien guetter, ne plus rien écouter du monde, je commence. Surprise : le texte vient plus facilement que Bruits.

(la revue de la Marelle bien présentée à la bibliothèque L’Alcazar de Marseille)

(surprise, oui, je vais en reparler)

Autre étonnement, alors que je m’y mets, en tournant la tête : sous l’imprimante, je trouve le petit mot d’un second voisin, celui du dessus, dont la machine à laver a pris son indépendance. Destiné à la résidente d’avant, je pense (moi, jusqu’ici je n’ai rien entendu), il est charmant et franchement comique : chercher le silence pour écrire Bruits, quelle idée !

Revenons-en au mur au pied duquel je me place. Quand j’ai proposé ce thème, c’était aussi une manière de demander à Pascal Jourdana : force-moi à renvoyer mon manuscrit sur Marilyn en lecture, demande-moi des comptes. De fait, ça a fonctionné. Je l’écris ici pour m’en souvenir les jours de découragement et partager aussi ce plaisir : le texte est accepté, tous ses choix validés, c’est la fête ! Simplement, il faut changer le titre, j’en ai déjà parlé la semaine dernière. Alors, comment le nommer ? Musée Marilyn ? (c’est le titre proposé par l’éditeur) Marilyn factory ? (voilà ma proposition, et vraiment je l’aime bien, mais elle trop référencée, sans doute, même si ça se tient, de la découverte par un photographe de Norma Jeane alors ouvrière à la récupération de son image par Warhol, en passant par l’usine à rêves). Ou bien Marilyn museum ? Ou encore Modèle Marilyn qui me vient à l’instant ? Je sonde tout le monde autour de moi, ce qui vous inclus, d’ailleurs : tout commentaire est le bienvenu. Le texte a pour cadre, je le rappelle, une exposition fictive — sans qu’on sache si on se trouve ou non dans un musée traditionnel, expo qui retrace la vie photographique de Marilyn Monroe. Il n’est presque jamais question de cinéma, c’est pourquoi je m’interdis d’utiliser ou de détourner un titre de film.

Musée Marilyn fait MM, "muse et Marilyn". Dans Marilyn museum on entend "muse et homme(s)". Modèle Marilyn rappelle la photo et l’usine (sans compter "ode" et "elle" si on pousse un peu)... C’est la première fois que je change de titre en cours de route et voilà comment, en partie, je réfléchis. A priori, ma préférence va à Marilyn museum, mais ça peut changer. Ça change, du reste, au cours de la journée.

(bibliothèque L’Alcazar)

Le texte pour la revue de la Marelle vient plus facilement que celui de Bruits, disais-je, Bruits que je suis obligée de m’arracher du corps signe après signe au point que j’ai cru il y a quelques jours que c’était fini, que je ne pouvais, ne savais plus écrire. Aujourd’hui, 1er mai, frigo plein, silence total, pluie drue, c’est vraiment le jour idéal pour s’y remettre. Et peut-être est-ce ce que je fais en écrivant ce semainier à la place du texte pour la revue (déjà un substitut de mon livre). Peut-être est-ce dans cette double mise en abîme, dans ce méta texte, qu’un jour naîtra mon livre. Je prépare le terrain. À moins que ce ne soit une fuite ?

En attendant, ce qui me rassure, c’est que la semaine prochaine, Joachim Séné, Jean-Marc Montera et moi, nous allons nous occuper de la première heure de ce roman qui en comptera vingt-quatre : si tout va bien, à la fin de ma résidence, un objet web, littéraire et sonore devrait exister. D’une certaine façon, tout va prendre vie plus vite que je ne le crois — pour commencer, le bruit du mur qui tombe, on le connaît déjà.

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