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Trois minutes par jour

dimanche 14 Février 2021, par Anne Savelli

Ce qu’il y a de drôle, avec Bruits, c’est de pouvoir annoncer "aujourd’hui je vais écrire deux minutes" ou encore, dans l’après-midi, "il est 7h40, nous sommes à l’aéroport". Ce qu’il y a aussi, avec ce roman dont chaque paragraphe constitue une minute de récit (pour comprendre, voir ici), c’est que le passage au paragraphe suivant permet de faire apparaître un nouveau décor ou un personnage de plus — disons même d’ouvrir, chaque fois ou presque, sur un éventuel autre livre, qui serait toujours à venir. Je m’en suis aperçue cette semaine et ai mieux compris pourquoi j’ai l’impression de devoir sans cesse reprendre mon élan. Décor Daguerre, déjà, était dans mon esprit une suite de débuts, puis de fins. À sa parution, un ou deux lecteurs s’en étaient aperçus, ce qui m’a m’avait fait grand plaisir.

Est-ce que ce type de construction (je décide arbitrairement d’écrire un livre en 75 parties ou de changer de minute à chaque paragraphe) entraîne des conséquences imprévues, comme celle de se retrouver avec un livre qui passe son temps à commencer ? Bien sûr. Cependant, quand je m’en rends compte, je ne dévie pas de trajectoire. J’intègre sans le dire ce que la contrainte, même quand je la détourne, engendre.

Ce qui m’étonne, écrivant Bruits, c’est à la fois sa lenteur et sa potentielle vitesse d’écriture. J’ai commencé à y penser il n’y a pas loin de vingt ans. Tout le début a été réécrit cent fois — ce n’est pas une image. Pourtant, j’ai la sensation depuis quelques jours que je pourrais aller plus vite que je ne le crois, précisément à cause de cette histoire de personnages, de décors qui surgissent sans crier gare d’un paragraphe à l’autre. Il suffirait que je les accepte sans me méfier, que j’écrive au fil de la plume, comme on dit. Mais cette vitesse m’inquiète : parce que j’ai toujours beaucoup réécrit, j’ai l’impression que ce serait chez moi un gage de platitude, c’est pourquoi je freine tant que je peux. Tous les prétextes sont bons pour ne pas aller plus loin que la rédaction de trois minutes par jour en moyenne (et encore...). Or, qui sait si je ne pourrais pas foncer sans me poser de questions, quitte à revenir plus tard sur certains paragraphes ? Il n’y a qu’une seule façon de le savoir : essayer, quitte à se décevoir.

Essayer. Ce dimanche matin je me dis que oui, en notant ici chaque jour de la semaine les effets produits, prétextes inclus. J’aurais ainsi quelques comptes à me rendre. Une légère pression me forcerait à avancer, à expérimenter, ce qui, vu les difficultés actuelles à se projeter, ne serait pas du luxe. J’ai appris cette semaine que quelqu’un consultait ce site très régulièrement pour écrire une thèse (bonjour Karen, si vous passez là) : il n’est pas impossible que de se savoir lue avec attention aide - scoop ! Je le dis en souriant car, de toute façon, pour Bruits, je travaille en me fondant par moments sur les premières impressions de lecteur de Thierry Beinstingel, à qui j’ai envoyé le début, soit la partie 6h-7h du manuscrit.

Mon objectif (élevé) : arriver à la fin de ma résidence à la Marelle, début juin, en ayant bouclé la première partie du livre, qui se déroule de 6h à midi (deuxième partie : midi - 18h. Troisième : 18h-minuit. Quatrième : Minuit-5h59). Midi à Marseille, où a été prise la photo du dessus : oui.

Une chose encore : j’ai réalisé hier que cela faisait plus de dix ans que le compte Twitter de Dita Kepler, ouvert à mon insu par Pierre Ménard avant qu’il ne m’en donne les clefs, existait. Preuve donnée à moi-même que je suis persévérante, n’est-ce pas ? Preuve s’il en est qu’on n’écrit pas tout seul, en tout cas pas vraiment. Et donc, justement : rendez-vous la semaine prochaine pour savoir où on se trouve, l’heure qu’il est et de combien de minutes nous avons avancé. Pour l’instant, il pleut à verse sur la ville traversée par F, la petite fille en fuite de mon roman.

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